Apparemment, les origines d'un passe-temps de type domino se trouvent près de l'ancienne Babylone, il y a plus de 4 000 ans. Cependant, le domino actuel aurait vraisemblablement ses origines davantage en Chine. Le domino est arrivé en Europe au XVIIIe siècle et a ensuite été amené en Amérique par les conquérants.
Cuba est peut-être le pays où l'on se réjouit le plus à jouer aux dominos, un jeu où tout ce qui compte dans la vie se limite alors à une table et à toute la fanfare qui s'ensuit.
Le jeu de dominos cubains est comme un monde parallèle improvisé à l'ombre d'un arbre, dans un parc, sous un éclairage public, sur les trottoirs ou au coin d'une rue quelconque, sur la plage ou dans la rivière, toute occasion peut être l'excuse parfaite pour tendre la main à n'importe quelle table, même sans pattes, qui s'appuie alors sur les genoux des joueurs, une feuille de papier et un crayon pour noter les données et puis c'est parti pour des heures de pur bonheur. La vérité est qu'il n'y a pas de dimanche sans soleil à Cuba, ni de fête cubaine sans dominos.
Près de n'importe quelle table de dominos, des connaissances ou des étrangers passent, s'arrêtent peut-être, disent bonjour et restent pour jouer une partie de dominos. S'immerger dans ce domaine est une expérience sublime et très authentique où les calamités du monde et nos problèmes quotidiens sont oubliés. Participer à une réunion d'amis pour jouer aux dominos, c'est incontournable pour approcher de la vie des cubains.
On dit souvent que les dominos ont été inventés par un homme muet; mais sans parler et sans la compagnie d'un bon rhum cubain, on ne peut pas jouer, ce n'est pas pareil, le jeu n'a pas le même goût. Les spectateurs peuvent penser que ceux qui jouent sont ivres du comportement bruyant. C'est que les dominos à Cuba impliquent des émotions dans chaque mouvement, chaque geste, chaque grimace, les défis verbaux, les rires éclatants ou moqueurs et les coups sur la table.
Les sujets de conversation qui se posent autour d'une table de dominos sont très divers, et s'entremêlent dans la dynamique de ce qui s'est passé dans le jeu, des potins de quartier, de la politique, du sport, de l'actualité, du pain immangeable de la bodega, de la chaleur estivale et tout ce qui englobe cette question authentiquement cubaine, indéfinie et élastique qu'est « Cómo está la cosa » ou comment ça va ? Puis on boit un rhum comme pour rincer la réponse.
De l'autre côté, les joueurs, au milieu de la bataille, s'engagent dans une conversation singulière, tout concentrés au jeu et ses multiples possibilités mathématiques, qui est considéré même comme l'une des variétés d'espagnol parlé à Cuba.
Le vocabulaire qui compose cette variante familière des dominos à Cuba présente des particularités qui le rendent difficile à comprendre pour quiconque n'est pas purement cubain.
Il n'est pas possible de faire une liste exacte des mots utilisés, car les mots et les phrases utilisés pour désigner des chiffres, des pièces ou des mouvements du jeux, ne constituent pas un glossaire fermé et étroit, mais plutôt que chacun peut utiliser les phrases qu'il juge appropriées, et qui ont seulement survécu dans la culture populaire au fil du temps grâce à leur transmission orale.
Il convient de noter que dans la région occidentale de Cuba, le domino se joue avec une combinaison de neuf points sur les pièces et chaque joueur en prend dix. Pendant ce temps, dans la partie orientale, le jeu se compose de 28 unités jusqu'à double six et sept pièces sont choisies.
Aux dominos, celui qui reste sans pièces est le gagnant. Même si le jeu "se tranca", est bloqué, celui qui a le moins de points l'emporte alors et à partir de là, "dale agua" aux dominos, c'est-à-dire retournez et mélangez les pièces, et nous sommes prêts à recommencer.
Pour finir, je vous laisse avec une liste de quelques expressions des valeurs en points des dominos que nous, Cubains, disons habituellement à chaque fois que nous mettons en jeu le chiffre correspondant, en même temps que nous touchons la table avec la pièce, plus ou moins fort, comme signe de l'enthousiasme gagnant... ou seulement deux fois, pour dire discrètement que nous n'avions pas la bonne pièce et que "nos pasamos" ou plutôt que nous avons passé le tour de jouer à l'adversaire.
Il vaudra toujours mieux perdre honnêtement que de "meter forro" ou tricher, ou lâchement "agacharse", prétendre que vous n'avez pas la prochaine pièce pour la conserver pour un meilleur jeu, et ainsi tacher un jeu de dominos entre amis ou inconnus. On dit de celui qui a gagné en étant à court de pièces qu'il « se pegó » en fin de partie.
Les dominos, pour les Cubains, transcendent le ludique, cela fait partie de qui nous sommes, c'est tradition d'un peuple. Plus que de simplement jouer aux dominos, nous pouvons dire sans risque qu'à Cuba nous vivons les dominos.
Vocabulaire fréquent des dominos cubains :
(0) Blanca: Blanquisal de Jaruco, el blanco, la blanca.
(1) Uno: La pulla, lunar de Lola, la que hinca, la puntilla, la que saca al buey del fango, la uña, el caballo, la puntica.
(2) Dos: El dulce pa´los muchachos, Duquelia la peluquera, Dulcinea, duquesne, duque, pato, mariposa, doblete.
(3) Tres: Tripita, Trío Matamoros, Tríquiti, Tribilín Candela, Teresa, Tripleta.
(4) Cuatro: Cuatrero, el cuarto de Tula cogió candela, el cuartel, gato, el cuarteto.
(5) Cinco: Sin comer no se puede vivir, cinco mil y más murieron, la sin curva, sin curva no hay carreteras, la monja.
(6) Seis: Seibabo, Sixto, Sixto Batista, septiembre el mes de las calabazas, se hizo el loco, Cirilo Villaverde.
(7) Siete: La que no le gusta a nadie, la mierda, la peste, siete mil y más murieron, el sucio.
( Ocho: Ochoa, Oshún, el muerto.
(9) Nueve: La gorda, novena de pelota, Nuevitas puerto de mar, la puerca, super Nova.
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